Le forgeron

Goben est le mot gaulois désignant le forgeron. Il se retrouve dans le nom de l’oncle de Vercingétorix, Gobannitio

Parmi tous les artisans, le forgeron est l’un des plus importants. Il s’occupe principalement de la fabrication des armes. Ainsi, la tranche de l’épée ou d’un poignard est durcie au moyen de la cémentation: chauffée sur un lit de charbon de bois, la lame absorbe le carbone, ce qui provoque la formation d’une très fine pellicule d’acier (environ 0,60 mm). La corne de boeuf brûlée peut remplacer le rôle du charbon de bois. Il faut noter aussi que la lame reste en fer, seulement 1/10ème de la surface est en acier. C’est pour cela que les Celtes n’utilisaient pas l’acier tel que nous le connaissons de nos jours.

Le forgeron s’occupe aussi de la fabrication des ustensiles indispensables à la vie quotidienne: les outils de toutes sortes (les forces pour tondre la laine des moutons, les tenailles, les pinces, les roues des chars, les chînes de toutes sortes, des torques pour ceux qui n’ont pas les moyens de se parer d’or ou de bronze, des objets décoratifs comme des chenets de cheminée… Les Gaulois/Celtes, très inventifs, possédaient déjà des systèmes de marteau hydrauliques, des presses. Donc, ces forgerons fournissent les outils à d’autres artisans, mais s’occupent évidemment des armes (épées, lances, javelots, pointes de flèches…).

Le minerai de fer, qui est la matière première pour pouvoir forger, est extrait en surface de puits peu profonds.

Depuis l’Antiquité, les habitants du territoire de Warre/Tohogne ont eu connaissance des gîtes métallifères en surface près du lieu-dit les Vieilles Minières; non loin de là, on peut trouver dans les labours des vestiges de substructions, de tessons de poterie, de fragments de tuiles datant de l’Empire Romain et même d’avant. Des scories de fer sont mêlées à ces restes. Ces scories font supposer l’existence de bas-foyers à proximité immédiate du bâtiment qu’en l’absence de fouilles, on se gardera d »appeler « villa romaine »…Les mêmes filons furent donc exploités de manière récurrente au fil des siècles, mais les moyens techniques permirent d’aller de plus en plus profondément. C’est dans le secteur de Warre/Tohogne, à l’endroit situé près de la Croix Sainte-Barbe, qu’il faut situer les anciennes minières exploitées sous l’Antiquité. C’est aussi le cas dans bien des endroits le long de l’Ourthe (Durbuy, Barvaux-sur-Ourthe, Borlon, Tohogne, Bomal, Grandhan, Heyd et Septon.

Les forgerons gardent souvent secrets les endroits où ils s’approvisionnent. Pour tirer le métal de ce minerai, il faut le chauffer à une haute température. Dans un four construit au-dessus d’un trou peu profond et recouvert d’argile, le forgeron entasse en couches alternées du minerai de fer et du charbon de bois (ou des cornes de vaches). Pour faire monter la température, il active le feu à l’aide de soufflet(s). Contrairement au bronzier, le forgeron ne peut pas couler son métal en une seule opération car son four n’est pas assez chaud. Vers 800 à 900° C, le fer fond et coule au fond du fourneau, formant une « loupe », masse molle et spongieuse, inutilisable telle quelle. Il faut alors faire rougir cette masse au feu et la travailler sur une enclume au marteau afin de lui donner sa forme définitive. Pour alimenter le feu, il faut des quantités invraisemblables de bois, et ceci a certainement été l’une des causes de la disparition des grandes forêts…

Forgerons et Alchimistes: d’après la croyance des primitifs, les substances minérales participent à la sacralité de la Terre-Mère, TIALTIU. Les minerais « croissent » car ils poussent, grandissent véritablement dans le ventre de la Terre, tout comme des embryons. C’est le premier règne de Mère-Nature. La métallurgie prend ainsi un caractère obstétrique. Le mineur et le métallurgiste interviennent dans le déroulement de l’embryologie souterraine: ils précipitent le rythme de croissance des minerais, ils collaborent à l’OEuvre de la Nature, l’aident à « accoucher plus vite ». En résumé, par ses techniques, l’homme se substitue peu à peu au Temps, son travail remplace l’OEuvre du Temps. Collaborer avec la Nature, l’aider à produire dans un  temps de plus en plus court, changer les modalités de la Matière, voilà l’une des sources de l’idéologie alchimique, si elle est bien comprise, mais l’homme joue à l’apprenti sorcier…Tout comme le fondeur et le forgeron, l’alchimiste travaille sur une matière à la fois vivante et sacrée: ses labeurs poursuivent la transformation de la matière, son « perfectionnement », sa « transmutation« …