Exploitation du sel

Le sel a été intensément exploité en Europe depuis le Néolithique. Lié au mode de vie sédentaire et au commerce de grande distance (Marseille et autres), le sel représentait une véritable richesse. Ce minéral permettait la conservation des aliments, permettant l’exportation de surplus. Les salaisons sont une extraordinaire autre richesse pour la Wallonie car les Gaulois-Celtes-Germains de notre région étaient de très grands spécialistes en matière de charcuteries et salaisons reconnues et exportées jusqu’à Rome. Il faut également ^préciser que la consommation de sel est bénéfique pour les animaux. En effet, les animaux (chevaux, bovins, ovins) ont besoin de sel du fait de la consommation élevée de calcium. Les Celtes, très intelligents et « non barbares » ne l’ignoraient pas. Les Celtes ont développé nombre de techniques permettant une exploitation d’ampleur de ce cristal-minéral, ce qui est tout à fait formidable pour une période pré-industrielle. Trois grands types de gisements étaient exploités: le sel marin (la côte de la Belgae), le sel gemme et les sources salines (provenant de Lorraine et d’Alsace, chez les Trévires et les Leuques, de la région de Spa et Chaudfontaine…). Puis apparurent les marais salants.

  1. Exploitation du sel gemme: c’est un sel fossile qui est extrait des mines de sel, particulièrement nombreuses autour des Alpes. Différents sites archéologiques font référence dans l’étude des exploitation du sel gemme, notamment celui de Hallstatt. A Hallstatt (Autriche), les Celtes creusèrent de profondes galeries et puits de plusieurs centaines de mètres, étayées par d’imposants coffrages, à flanc de montagne. Quand, grâce aux puits obliques, les mineurs atteignent le gisement de sel gemme, les galeries partant des puits sont élargies de façon à former de vastes salles. Celles-ci sont dotées d’échafaudages servant à l’exploitation. Une salle de taille imposante a été retrouvée; ses dimensions sont de 150 mètres de long sur 10 mètres de large et 20 mètres de hauteur. Cette exploitation de la civilisation de Hallsttatt a connu son apogée entre le VIIème et le IVème s. av.-J.C. Les conditions de conservation exceptionnelles de ce milieu saturé en sel a permis la découverte d’outils servant à l’extraction (haches à ailerons, pics à douille, pelles en bois des des sacs de cuir cerclés d’osier), mais aussi des torches, des vêtements, des restes alimentaires et des récipients. Des sangles de cuir découvertes à cette occasion semblent indiquer que les blocs de sel découpés, étaient par la suite, portés à dos d’homme. Les très riches sépultures découvertes autour des sites d’extraction du sel, ainsi que l’origine lointaine de certains bijoux, indiquent l’existence d’un commerce florissant. Ailleurs, il a été démontré que les Celtes dissolvaient le sel gemme, en détournant un cours d’eau voisin vers le puits de mine (Cunliffe en 1996). La solution saline, par le biais d’un réseau complexe de canalisations, était amenée à des bacs, situés à l’extérieur de la mine, où la cristallisation et la décantation se faisaient.
  2. Exploitation du sel des sources salines: cette forme d’exploitation du sel est l’une des plus connues. Elle dérive des techniques employées dans le cadre de l’exploitation du sel gemme. L’exemple le plus connu est le Saulnois (vallée de la Haute-Seille, Moselle). Le Saulnois a la particularité de concentrer de formidables réserves d’eau salée, provenant d’une longue évolution géologique. Les saumures étaient exploitées et cuites suivant la technique du briquetage. Cette activité s’est prolongée dans le Saulnois du Néolithique à la période romaine, générant près de 4 millions de mètres cubes de déchets (éléments de terre-cuite, restes de fourneaux) L’essentiel de cette production de déchets remonte à la période d’apogée de cette exploitation, c’est-à-dire entre le milieu du IXéme s. av.-J.C et le milieu du Ier s. ap.- J.C. Ces volumes incroyables de déchets s’étendent sur près de 10 kilomètres de long et sont répartis sur six zones principales (Marsal, Moyenvic, Vic-sur-Seille, Salonnes, la bute de Châtry et le château de Burthécourt) sur une épaisseur pouvant atteindre 12 mètres. La technique du briquetage sera abandonnée à l’époque romaine au profit de l’usage de poêles chauffés au bois. Il apparaît que la production de sel par  briquetage s’effectuait en deux temps:
  • La première phase: la concentration. Des cuvettes à fond plat de 10 à 20 litres sont remplies d’eau salée, puis placées sur des cales dans un four circulaire creusé dans le sol. La chaleur émise par le foyer, préalablement chargé de combustible, provoque l’évaporation de l’eau et la concentration de la saumure.
  • La seconde phase: le conditionnement. Un deuxième type de four a été identifié dans le Saulnois, un four en forme de « fer à cheval », structuré sous la forme d’une grille à plusieurs étages, réalisée à l’aide de bâtonnets et de colifichets. La saumure, alors concentrée dans des moules en argile, prend place dans les logements de la grille. On chauffait la saumure à une température de 60 à 80° C, permettant ainsi la cristallisation du sel. Une fois le sel cristallisé, les godets d’argile sont brisés de manière à récupérer des pains de sel. Des missions de prospection récentes invitent à penser que cette industrie du sel ait pu avoir une plus grande étendue encore. Le terme « industrie » n’est en rien exagéré, quelques estimations actuelles laissent supposer que la production annuelle de sel dans cette vallée de la Seille a pu atteindre 10.000 tonnes de sel par an…