
Dans les cas où l’exploitation d’un gisement métallifère était gênée par l’existence d’une nappe phréatique, l’usage du travers-banc d’exhaure (tunnel qui relie d’autres galeries et qui permet d’évacuer l’eau de la mine par une cavité qui débouche sur l’extérieur, en flanc de montagne ou autre…) a constitué un progrès considérable pour l’évacuation des eaux de mines dans la mesure où, grâce à des conditions topographiques favorables (existence d’un dénivelé du terrain), le traçage d’une galerie à partir d’un point bas jusqu’au gisement permet d’assécher la partie de ce dernier qui se trouve au-dessus de lui. A compter du IIIème siècle av.-J.C., on en connaît plusieurs exemples (La Fagassière, Les Fouilloux) dans les mines d’or du Limousin, où cette technique a permis aux mineurs de descendre à 40 m de profondeur, dont 30 m au-dessous du niveau hydrostatique. Cette technique était aussi en usage dans les mines du sud de l’Espagne. Par ailleurs, la péninsule Ibérique se signale par le très grand nombre de travers-bancs d’exhaure dans les mines romaines et il semble bien que le plus ancien qu’on y connaisse remonte à l’Age du Bronze. Mais celui de la mine de cuivre de Campolungo (Italie) est daté du premier Age du Fer, par des 14C effectués sur des mobiliers en bois (auge pour transporter le minerai, fiches destinées à servir de torches). En réalité, un tel équipement est-il un procédé spécifique, dont on puisse attribuer l’origine à une région minière donnée: l’Italie? l’Ibérie? La Gaule? Ou bien fait-il partie de ce domaine que nous avons appelé « le savoir-faire traditionnel »? Car, dans le langage technique, l’évacuation des eaux de mine par travers-banc est qualifiée d’exhaure « naturelle » et y avoir recours, paraît, pour ainsi dire, couler de source.
Parlons maintenant des techniques d’étayage utilisées dans les chantiers d’abattage du minerai, ou dépilages. Lorsque le minerai qui remplit la caisse filonienne est abattu en totalité, un tel travail laisse des vides souterrains, dangereux pour les mineurs; il faut en particulier éviter l’effondrement des parois. Il y a deux façons principales d’y parvenir: la première est de laisser en place, de loin en loin, des parties de filons, appelées piliers ou clés, qui maintiennent l’écartement des parois. La deuxième est d’utiliser des étais en bois, une technique qui permet l’abattage total du minerai.L’étayage a été mis en oeuvre dans les dépilages des mines d’or gauloises du Limousin, une région densément boisée comme celle de l’Ardenne belge, qui offraient aux charpentiers chargés de cette tâche des essences (chêne, hêtre, bouleau) bien adaptées aux conditions d’exploitation de ces mines. Cette technique est particulièrement sophistiquée. Ce ne sont pas, en effet, de simples troncs d’arbres bloqués en force, de loin en loin, entre les deux parois, un procédé dont témoignent dans bien des mines antiques les niches se faisant face sur les deux côtés du filon. En fait, les boiseurs gaulois ont utilisé un système de cadres verticaux, constitués chacun par deux montants mortaisés, placés face à face et maintenus écartés par des poussards tenonnés. Derrière ces cadres disposés à intervalles réguliers, étaient glissées des planches superposées horizontalement; l’intervalle entre les planches et les irrégularités de la paroi était colmaté par un bourrage de végétaux divers.
Si la production d’or en Limousin paraît s’être arrêtée peu après la Conquête, l’héritage de pratiques minières, telles que celles que l’on vient de survoler s’est maintenu dans les mines de plomb argentifères de la région voisine, l’Auvergne, où elles sont attestées de l’époque celtique jusqu’au IIème siècle ap.-J.C. On a en effet retrouvé dans les dépilages des mines d’argent gallo-romaines de Pontgibaud (Puy-de-Dôme) les mêmes techniques de boisage que celles qui avaient été en usage dans le Limousin quelques siècles plus tôt, à cette différence près qu’à Pontgibaud, les cadres sont disposés horizontalement et maintenus en place par des étais également horizontaux, coincés en force entre les deux parois. Le basculement des cadres à l’horizontale a permis d’espacer l’étayage et donc d’utiliser moins de cadres. En tout cas, au niveau régional, l’héritage est évident.
En Gaule, plusieurs mines en alluvions ont été exploitées avec l’aide de la force hydraulique: à Cambo-les-Bains chez les Tarbelli (or), aux Monts-de-Blond chez les Lémovices (étain) et les Eduens au voisinage d’Autun (étain également). Ces exploitations sont encore mal connues et ne sont pas datées. Nous ne savons pas si elles sont antérieures à celles d’Espagne. Pour l’instant, en tout cas, le témoignage le plus ancien dont nous disposions sur ce type d’exploitation est celui de Strabon, qui évoque les grands lavoirs d’or que, vers le milieu du IIème siècle av.-J.C., les Salasses, un peuple celte de la Cisalpine, en utilisant sur une grande échelle l’eau de la Doire, faisaient fonctionner au pied des Alpes, dans le Piémont italien. On a identifié les restes de ces anciens travaux dans la Bessa, un vaste dépôt alluvial aurifère, au débouché du Val d’Aoste. Peut-être les impressionnants vestiges que nous avons aujourd’hui sous les yeux sont-ils dus, pour l’essentiel, aux Romains qui, comme l’indique Strabon, prirent la suite des Salasses en utilisant leurs mêmes procédés de mise en valeur, en les développant et en les perfectionnant.
On se demande encore aujourd’hui si, en raison de liens particuliers qui auraient pu exister entre les populations celtiques à travers l’arc alpin, cette technique a transité par la Gaule avant d’être développée par les Romains en Espagne. On peut se permettre de penser que le transfert s’est fait directement d’une péninsule à l’autre par le biais des exploitants romains.
Rares sont donc les domaines de l’art des mines où l’on puisse assigner une origine gauloise à telle technique ou a tel procédé. En réalité, il n’y a guère que la technique caractéristique des assemblages utilisés pour le boisage des chantiers souterrains dont on ait pu montrer la permanence des mines gauloises aux mines romaines dans une région donnée (Auvergne, Limousin). Quant à l’exploitation hydraulique des dépôts alluviaux, si son invention paraît être le fait d’une population celtique du Piémont italien, son usage en Gaule, dans les mines d’étain ou d’or, est mal daté et l’on ne peut estimer la place qu’occupent ces dernières dans le développement de cette technique. Enfin, le travers-banc d’exhaure est-il une technique naturelle « de base », ou bien a-t-il été inventé en un lieu précis? Dans ce dernier cas, le lieu d’origine est toujours susceptible de changer, au gré des découvertes.