
Le Cerf est l’un des animaux symboliques les plus importants des anciennes cultures du monde. Il symbolise l’Arbre de Vie, la fécondité, les rythmes de croissance, les renaissances, l’image archaïque de la rénovation cyclique, le médiateur entre le Ciel et la Terre, le Soleil levant, l’image du Christ, le don mystique, la révélation salvatrice, le messager du divin, la vélocité, la crainte, la chasse…
Mythologie Celtique: dans la mythologie celtique, le Cerf blanc est le messager de l’Autre Monde et le conducteur des âmes. Un signe net de l’importance du Cerf dans la symbolique celtique est la fréquence relative de son apparition dans l’iconographie ou la légende. Une divinité gauloise porte le nom de Cernunnos, celui qui a le sommet du crâne comme un Cerf. Elle est représentée sur le chaudron d’argent de Gundestrup, assise dans la posture bouddhique (du lotus), tenant d’une main un torque et de l’autre un serpent, entourée d’animaux les plus divers, et notamment d’un Cerf et d’un serpent: peut-être faut(il voir en plus dans ces bois de Cerf surmontant la tête du dieu, un rayonnement de lumière céleste.
Le symbolisme du Cerf dans le monde celtique est donc très vaste et il a trait aux états primordiaux, aux énergies, la longévité, l’abondance… Les Gaulois employaient de nombreux talismans, en bois de Cerf, et on a noté, en Suisse, dans des tombes alémanes des ensevelissements de Cerfs à côté de chevaux et d’hommes. On a rapproché le fait des masques de Cerf, dont étaient munis des chevaux sacrifiés dans les kourganes de l’Altaï (région de Russie, limitrophe du Kazakhstan) aux VIe et VIIe siècles avant notre ère.
En Bretagne armoricaine, saint Edern est représenté chevauchant un Cerf. Comme le renne, le chevreuil, le daim, le Cerf semble avoir joué un rôle de psychopompe dans certaines traditions européennes, notamment chez les Celtes: le Morholt d’Irlande, oncle d’Yseult, occis par Tristan en un combat singulier, est dépeint gisant mort cousu dans une peau de Cerf.
Dans la mythologie celte, les Cerfs sont les « bêtes à cornes des fées », et les messagers entre le monde des dieux et celui des hommes. Il se retrouve en parallèle au Sanglier. Le Cerf (comme le Cheval) représente, entre autre, l’élément masculin et combatif, et le Sanglier, le côté féminin et érotique de l’homme et de la Nature.
Mythologie Nordique: dans l’ancienne mythologie nordique, quatre cerfs broutent à la cime de l’arbre du monde Yggdrasil, les bourgeons (les heures), les fleurs (les jours) et les rameaux (les saisons).
Traditions chamaniques européennes: dans la plupart des traditions chamaniques européennes, les gens sont conduits vers l’Autre Monde en poursuivant un animal magique, souvent un Cerf ou un Sanglier. Un des personnages européens célèbres liés à la magie est Merlin. L’image qui ressort est un prophète-magicien vivant dans les bois, maître des animaux, dont les totems sont le Cerf, le Loup et le Sanglier.
Période des Francs et des Carolingiens: on retrouve le mythe du Cerf Sauveur dans la Chanson de Roland, un des premiers écrits en français, daté d’environ 1090. Cette chanson de geste se passe lors de la bataille de Ronceveau en 778. Un des passages parle de la manière dont Charlemagne a pu franchir la Gironde en crue grâce à l’intervention d’un Cerf Blanc. On raconte également qu’une biche blanche est intervenue dans la vie de Clovis en 507, au moment de sa célèbre victoire de Vouillé contre les Wisigoths.
Chez les chrétiens: pour les chrétiens, le Cerf devait sa noblesse au fait d’être l’animal privilégié de « notre seigneur » Jésus-Christ. Dans la culture chrétienne, le Cerf blanc représente le Christ; on trouve, dans l’église de Tréhorenteuc, en Bretagne, une mosaïque représentant un Cerf blanc, entouré de quatre lions et symbolisant le Christ entouré des 4 évangélistes.
On notera qu’Origène fait du Cerf l’ennemi et le pourchasseur des serpents, c’est-à-dire l’ennemi du mal, expressément le symbole du Christ. Saint jean de la Croix attribue aux Cerfs et aux daims deux effets différents de l’appétit concupiscents (tendance à jouir des biens terrestres), l’un de timidité, l’autre de hardiesse, fonction de l’attitude supposée de ces animaux en face de leurs désirs. Le Cerf est souvent associé à la gazelle dans l’Ecriture Sainte. A propos de leur relation, Origène remarque que la gazelle possède un oeil perçant et que le Cerf est tueur de serpents et les fait sortir de leurs trous grâce au souffle de ses narines. Origène compare le Christ à une gazelle selon la theoria et à un Cerf selon ses oeuvres, la praxis (Homélie III sur le Cantique des Cantiques).
Le Cerf symbolise la rapidité, les bonds. Quand il a soif et quand il cherche une compagne, son appel rauque et sauvage apparaît irrésistible; d’où sa comparaison avec le Christ appelant l’âme, et l’âme-épouse recherchant son époux. Le Cerf symbolise aussi bien l’Epoux divin, prompt et infatigable à la poursuite des âmes, ses épouses, que l’âme elle-même recherchant la source où se désaltérer.
Le Cerf ailé peut signifier la promptitude dans l’action. Mais si l’on interprète l’image en fonction de la symbolique de l’aile, c’est toute la symbolique du Cerf qui se trouve alors élevée au niveau de la spiritualité: la prudence du saint, l’ardeur à s’unir à Dieu, l’attention à la parole et au souffle de l’Esprit, la sensibilité à la présence de Dieu. Les légendes de saint Eustache et de saint Hubert décrivent l’apparition d’une croix entre les bois d’un Cerf qu’ils poursuivaient.
D’autres saints ont également des Cerfs pour attributs (Meinhold, Oswald et Procope de Bohême).
Le Cerf et l’Alchimie: dans l’Alchimie, souvent associé à la licorne, le Cerf est le symbole du mercure philosophal. Une planche du chef-d’oeuvre de Lambsprinck (XIVième s), la pierre philosophale, nous montre les deux animaux face à face dans un sous-bois. Le poème accompagnant cette troisième figure révèle que le Cerf symbolise le Mercure (aspect masculin) et l’Esprit; la licorne est le Soufre (aspect féminin) et l’âme, tandis que la forêt est le Sel et le corps. Eau et Feu, Feu et Eau…L’Alchimie, en relation avec le mythe antique du chasseur Actéon qui fut changé en Cerf par Diane (Artémis; ours), envisage le Cerf en tant que symbole de la transformation du métal (le Mercure des Sages). Le Cerf est ici lié au monde féminin et « lunaire » de l’argent (la Lune, Séléné).
Le Cerf Blanc: le Cerf Blanc porte un disque solaire sur le dos (la transformation du dieu-Cerf au jour). Le Cerf Blanc était un animal quasi légendaire à cause de sa rareté, et qui le tuait en tirait beaucoup d’honneurs. Ainsi, la coutume voulait que celui qui pouvait le tuer devait, en toute légitimité, et sans que quiconque s’y oppose, donner un baiser à la plus belle des jeunes filles de la cour. Si le baiser en lui-même n’était un affront pour personne, de nombreuses querelles naissaient au moment de choisir la plus belle: chaque chevalier voulait que cette qualité soit appliquée à sa Dame!
Dans la légende arthurienne, la Chasse au Cerf Blanc entraîne les chevaliers au-devant de :leur destin.
Le point de vue scientifique sur les Cerfs blancs: il est très peu répandu dans le milieu naturel. Cependant, ceux qui l’ont observé et qui continuent à tenter de comprendre l’origine de ce phénomène, ont fini par identifier 4 pigmentations chez le Cerf élaphe Rouge d’Europe: « rouge », au pelage brun normal, « blanc », réunit tout type de coloration dominée par le blanc (on y retrouve des individus au poil variant du blanc au beige en virant parfois vers le jaune, et possédant des yeux bleus, bruns voire des yeux de chaque couleur), « blanc pur », dont les représentants possèdent un pelage d’un blanc pur, et les yeux de couleur bleu; la dernière pigmentation « blesswild », traduite littéralement par « sauvage béni », est extrêmement rare et est matérialisée par de larges traces blanches présentes sur un pelage brun, partout ailleurs et ces traces sont visibles uniquement sur le devant de la tête et parfois juste au-dessus des sabots. La pure variété blanche est celle qui possède le poil bien blanc et les yeux bleus. Certains spécimens de Cerfs blancs, même considérés comme « purs » présentent des spots foncés pigmentant la peau et surtout visibles au moment des mues, notamment celle du poil d’hiver au poil d’été qui laisse apparaître des espaces sans poils à certains moments.
Le Cerf dans les traditions et civilisations nordiques et asiatiques: les Lapons, Groenlandais, Sibériaques, Samoyèdes et Mongols donnent à des constellations le nom du Cerf, de l’élan ou du renne. Certains chamanes de Sibérie se déguisent en Cerfs et portent des bois de Cerf sur la tête. Il est donc dit que le Cerf est l’animal sacré d’une civilisation arctique; cela expliquerait que nous trouvions également le symbole du Cerf en Espagne et dans le Midi Méditerranéen à l’époque glaciaire. Dans la civilisation arctique, le Cerf était adoré parce qu’il était l’animal le plus chassé. Bien entendu, cela ne signifie nullement qu’il faille parler d’un dieu-Cerf; il est suffisant de dire que cet animal passait pour être particulièrement sacré. Ce culte du Cerf a survécu à la civilisation paléolithique, mais aura certainement pris un sens nouveau pour le monde agricole du néolithique. On peut dire quelles transformations il a subies avant de s’insérer enfin dans le polythéisme celte; mais on peut bien supposer que le Cerf n’y était plus simplement le noble animal que l’on chasse: il était désormais chargé de symboles.
Le Cerf d’or, lui, se retrouve dans les légendes cambodgiennes mais le caractère solaire de l’animal y apparaît sous un aspect maléfique. Comme c’est souvent le cas, l’animal solaire est mis en rapport avec la sécheresse; il faut, pour obtenir la pluie, tuer le Cerf, et c’est le but de la danse du trot, si populaire au Cambodge, dans la région d’Angkor notamment. On ajoute, en d’autres contrées, que la pénétration du Cerf dans un village annonce l’incendie et oblige à quitter les lieux. La même idée du Cerf néfaste et porteur de sécheresse est connue dans la Chine antique.
Dans le bouddhisme, le Cerf d’or est une manifestation du Bouddha libéré (d’où le fait qu’il a un visage d’homme qui sourit comme un bouddha).
Pour le shinto japonais, le Cerf est la monture des dieux, et il fait partie des symboles divins qui sont représentés sur les Kakemonos (littéralement « objets accrochés »: désigne au Japon une peinture ou une calligraphie sur soie ou sur papier, encadrée en rouleau et destinée à être au mur ou sur les mâts d’éclairage public) sacrés (d’où le fait que le Cerf est un dieu).
Les Indiens d’Amérique manifestent dans les danses et dans leurs cosmogonies ce lien du Cerf et de l’Arbre de Vie: l’association qui unit étroitement le pin à l’espèce des cervidés (danses du Cerf autour d’un conifère érigé sur la Plaza) peut n’être en partie que simple imagerie forestière; mais il n’est pas improbable que, beaucoup plus profondément, elles contiennent le symbolisme qui associe le Cerf, non seulement à l’est et à l’aube, mais aussi aux débuts de la vie apparue à la création du monde…
Dans plus d’une cosmogonie amérindienne c’est l’élan ou le daim qui fait surgir à l’existence, par des abois, la vie créée, et parfois dans l’art indien, l’arbre est représenté comme sortant des Cornes fourchues de l’animal. L’effigie sacrée du dieu Soleil des Hopis (Pueblos de l’Arizona) est taillée dans une peau de daim.
Au XVIe siècle, chez les Indiens de Floride, lors de la célébration de la fête du Soleil, au printemps, un poteau était érigé au sommet duquel on élevait la peau d’un Cerf arrachée à un animal capturé en cérémonie; auparavant on l’emplissait de végétaux pour lui donner forme et on la décorait de fruits et de plantes suspendus. Cette image était orientée vers le Soleil levant et la danse se tenait autour d’elle accompagnée de prières pour une saison d’abondance (un peu comme le mât de mai de la fête de Beltaine chez les Celtes).
Une coutume analogue pour la fête du printemps est signalée chez les Timucua. Le Cerf est aussi l’annonciateur de la Lumière, il guide vers la clarté du jour.
Voici un extrait d’un chant des Indiens Pawnees en l’honneur de la lumière du jour: « Nous appelons les enfants. Nous leur disons de s’éveiller… Nous disons aux enfants que tous les animaux sont éveillés… Ils sortent des gîtes où ils ont dormi. Le Cerf les conduit. Il vient du sous-bois où il demeure, menant ses petits vers la Lumière du Jour. Nos coeurs sont joyeux.
Associations à travers les mythes, les dieux, les déesses, les saints:
- Cernunnos
- Actéon: chasseur puni par Artémis (ours) qui le transforma en Cerf; il fut aussitôt dévoré par ses propres chiens. Artémis (Diane): soeur jumelle d’Apollon (Lugh); déesse de la chasse, de la Lune (Séléné) et de la magie (Hécate). Artémis (artos: ours) est souvent représentée avec un Cerf.
- Apollon et Cyparisse (dans la mythologie grecque, Cyparisse, Cyparissos ou Cyparittos est un jeune homme aimé d’Apollon. Selon les métamorphoses d’Ovide, après avoir transpercé au javelot acéré son Cerf favori, Cypatisse souhaite mourir lui-même. Il demande donc aux dieux de verser des larmes éternelles.
- Hercule: il met ensuite un an à capturer vivant un Cerf aux cornes d’or, consacré à Artémis, avant de s’attaquer à l’énorme Sanglier qui dévastait le mont Erymanthe, en Arcadie.
- Aristée: c’est un dieu mineur. Fils d’Apollon et de la nymphe Cyrène, associé à l’activité pastorale et à l’agriculture. Aristée quittait et reprenait son âme à volonté, et, quand elle sortait de son corps, les assistants la voyaient sous la figure d’un Cerf.
- Tuan Mac Carell: Partholonien, seul survivant du fléau qui détruisit sa race. Un matin, il se retrouva transformé en Cerf et devint le maître de tous les Cerfs d’Irlande.
- Finn Mac Cumaill (Irlande): père de Oisin
- Oisin (Irlande): petit faon
- Saint-Patrick: se transformait en Cerf.
- Saint-Hubert: chasse un grand Cerf et voit une croix entre ses bois. La St Hubert est fêtée le 3 novembre.
- En Bretagne armoricaine, saint-Edern est représenté chevauchant un Cerf.
- Merlin se transforme en Cerf: pendant ce temps, Merlin qui savait tout de la perplexité de l’empereur à table, arriva aux portes de Rome, jeta son sortilège et se changea en une créature insolite; il devint un Cerf, le plus grand et le plus étonnant qu’on ait vu. Il avait un pied de devant blanc et portait cinq bois sur la tête, les plus majestueux qu’ait eu un Cerf.
- Jâtaka bouddhique (vies antérieures): ce sont des contes et des histoires sur de nombreuses vies antérieures, dont une certaine passée dans le corps d’un Cerf.
Propriétés thérapeutiques du dictame: plante à grandes fleurs blanches ou roses du sud de l’Europe, cultivée pour l’ornement, et qui sécrète une essence très inflammable (syn. fraxinelle). On prête au Cerf la découverte et l’utilisation de certaines propriétés thérapeutiques du dictame. Il s’agit d’une plante dont deux des noms sont voisins du Cerf – artemidion et cervi ocellum – et qui est considérée depuis l’Antiquité comme une véritable panacée, mais capable entre autres d’expulser une flèche de la plaie provoquée, puis guérir celle-ci: les Cerfs, et aussi les chèvres sauvages, avaient la réputation de soigner de cette façon leurs blessures de chasse, d’avoir aussi transmis ce savoir aux hommes. Le Cerf est censé faire également usage du dictame comme contre-poison après morsure de serpent; et d’autres herbes, purgatives, seraient absorbées par le Cerf pour expulser un serpent avalé volontairement dans un but de renouvellement de ses bois et de sa peau.